Etre jeune et trouver sa place dans dernier village résidentiel de la ville
Notre intention en découvrant le quartier était d’aller à la rencontre de jeunes pour mieux comprendre comment ils vivent et trouvent leur place au sein d’un quartier comme celui-ci. En effet, il s’agit d’un des derniers villages résidentiels de Genève, appelé à se densifier, et qui accueille dans le même temps de nombreux fonctionnaires internationaux expatriés. Nous nous sommes immergé.e.s dans ce quartier bucolique et tranquille, le soir, la nuit, le week-end.
Nous avons rapidement rencontré les acteurs du quartier lors d’une réunion de la Ville de Genève, où les jeunes étaient représentés par la TSHM Sara. Avant de réellement aborder notre sujet avec les jeunes, nous avons dû faire preuve de patience, car leur présence dans l’espace public n’était pas flagrante. Nous avons même eu l’impression qu’ils vivaient cachés. Mais ô miracle, nous avons fini par les trouver, malgré leur discrétion dans l’espace public. Un petit groupe de 7-8 jeunes de 20-25 ans se rassemblait dans un préau, suivi d’un second groupe de 3 jeunes de 15-16 ans lors d’un atelier rap. Plus tard, deux adolescents de 15 ans ont été rencontrés devant le chalet des Genêts, un lieu potentiel pour eux. Finalement, c’est grâce à une connaissance que nous avons pu interviewer deux jeunes de 18-19 ans nés au Petit-Saconnex, mais contraints de fréquenter le Grand-Saconnex en raison du manque d’espaces pour la jeunesse dans leur quartier. Nous avons établi un lien régulier avec un grand groupe d’une vingtaine de jeunes, en moyenne âgés de 25 ans, qui se réunissent chaque mardi soir à la salle de foot de Budé, mise à leur disposition récemment. Lors d’un apéro que nous avons organisé pour les remercier de leur coopération, nous avons obtenu de nouvelles réponses à nos questions.
La densification urbaine prévue au Petit-Saconnex devrait conduire à une évolution du tissu social. Accompagnée par l’enjeu d’éviter la distance sociale entre les groupes qui composent ce tissu et/ou de prévenir une coexistence dite « contre nature » (Bresson, 2007). Un autre point d’attention est de permettre le développement des liens de proximité, dont celui de la participation citoyenne ainsi que d’éviter l’exclusion sociale, en particulier celle des jeunes (Paugam, 2014). Finalement le besoin serait de mettre en place des supports, des lieux de rencontre, des activités favorisant la cohésion sociale. Un quartier n’existe que si on le produit (Donzelot, 2006).
On apprendra alors que lorsqu’on a entre 15 et 25 ans et qu’on vit au Petit-Saconnex, c’est d’abord faire l’expérience du vide, du rien : rien où se poser, rien où s’amuser, rien où bavarder, rien à faire. C’est aussi faire l’expérience du calme, des espaces verts et du gazouillis des oiseaux comme bruit de fond. Tous les jeunes avec lesquels nous avons pu échanger sont nés et ont grandi au Petit-Saconnex. Ils sont issus d’une classe sociale modeste ou de la classe moyenne inférieure.
Notre story montre qu’en grandissant, les jeunes du Petit Saconnex, passent inaperçus en se cachant ou en se déplaçant dans les quartiers voisins, car mieux pourvus en supports et activités. Même si les préoccupations de la politique publique sont de les mettre plus au centre, ils nous ont confié leur frustration d’être si peu considérés dans leur quartier. Ils se déclarent ouverts à partager des activités avec les autres habitant.e.s mais se demande sur la base de quels supports. Bien que les jeunes et les différents segments de la population du quartier cohabitent géographiquement dans une certaine proximité spatiale, on observe une distance sociale persistante. Cela nous permet le constat sociologique d’une mixité subie.
Les intentions annoncées par la Ville ne semblent pas avoir été mises en place (sous réserve de la salle de foot). Du moins, les jeunes ne le ressentent pas. Sans accès à l’espace public, sans maison de quartier, sans activités, sans partage avec le reste de la population, les jeunes se sentent exclus de la participation citoyenne alors que leur attachement au « Petit-Sac » est profond. Nous avons vécu de près la joie que leur a procurée la nouvelle salle de foot, disponible pour la première fois pour eux cette année. C’est enfin quelques gazouillis dans leur tête à eux !